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COP 15 : accord a minima sur les ressources génétiques
In extremis, la COP 15 propose un mécanisme multilatéral de partage des avantages découlant de l’utilisation de l’information de séquençage numérique sur les ressources génétiques, ainsi que la mise en place d’un fonds mondial.
Reportée à plusieurs reprises en raison de la Covid, la Conférence des Parties (COP15) à la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) [1] des Nations unies s’est tenue, du 7 au 19 décembre, à Montréal, sur fond de crise climatique et de chute de la biodiversité. Cette réunion des 196 Parties de la CDB [2], présidée par la Chine, prévoit l’adoption d’un nouveau « cadre stratégique mondial » pour la biodiversité [3].
Afficher des objectifs ambitieux
Ce nouveau cadre mondial pour la biodiversité comprend quatre objectifs globaux, quantifiés et mesurables, ainsi qu’un mécanisme de suivi et d’évaluation de leur mise en œuvre : la réduction des menaces à la biodiversité, la conservation et l’utilisation durable des ressources, l’accès et le partage des avantages issus des ressources génétiques des organismes et les moyens de mise en œuvre du cadre mondial. Ces objectifs, qui doivent être atteints d’ici 2030, sont liés à des enjeux forts, comme l’observe Odile Conchou, conseillère « Biodiversité et finance » à l’Agence française de développement (AFD) : « Ce nouveau Cadre mondial pour la biodiversité est en discussion depuis trois ans. C’est un accord politique très important, l’équivalent pour la biodiversité de l’Accord de Paris sur le climat. Les attentes placées dans cette COP15 pour parvenir à cet accord sont donc élevées ».
Quelle est la probabilité que ces objectifs soient réellement et enfin atteints ? Et quels moyens efficaces seront vraiment mis en œuvre ?
Le protocole de Nagoya : égarement ou mépris ?
La solution à la question de l’« accès et [du] partage des avantages issus des ressources génétiques », notamment du séquençage numérique des ressources génétiques, joue régulièrement l’arlésienne. La Déclaration de Kunming [4], issue de la première partie de la COP15 tenue les 12 et 13 octobre 2021 en Chine, présente pourtant 17 engagements à ce propos. Elle dispose notamment : « afin que les avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques so[ie]nt partagés de manière juste et équitable » (considérant 11), les Parties à la COP15 s’engagent à « [a]ccroître [leurs] efforts pour garantir un partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques, par le biais de la Convention, du Protocole de Nagoya [5] et d’autres accords, selon qu’il convient, y compris les connaissances traditionnelles connexes, en tenant compte du contexte de l’information de séquençage numérique sur les ressources génétiques » (engagement n°8).
Si des intentions sont bien formulées, leur mise en œuvre se fait attendre. Les informations de séquences numérisées (ou DSI pour Digital Sequence Information) sont, contrairement aux ressources génétiques dites « physiques » (par exemple des espèces végétales issues principalement des pays du Sud), déposées dans des banques de gènes généralement en libre accès. L’industrie des pays du Nord n’a, dès lors, plus besoin d’accéder à ces ressources génétiques physiques in situ, c’est-à-dire sur les lieux sources de biodiversité. Or, les règles posées par le protocole de Nagoya s’appliquent dès qu’il y a « utilisation » de la ressource génétique, y compris en recherche et développement (R&D). L’industrie, et avec elle certains États, affirme que le séquençage des ressources génétiques physiques est une simple phase préalable à la R&D et qu’elles ne devraient pas entrer dans le champ d’application du protocole. Ce qui lui permettrait, en outre, un dépôt légitime de demandes de brevets. Le désaccord est majeur.
La controverse fait place au compromis
Comme l’affirme Catherine Aubertin, économiste de l’environnement, avant l’issue du sommet de Montréal : « L’état des discussions sur la question du séquençage génétique est navrant… […] On se retrouve dans une situation absurde avec un bras de fer sur un sujet extrêmement technique [les DSI], alors que le fond de l’histoire, c’est qu’il faut conserver la biodiversité et en faire un usage durable » [6].
Mais alors que les diverses options proposées par certains pays semblaient, en effet, pas ou peu compatibles, les négociateurs du groupe de travail « Information de séquençage numérique sur les ressources génétiques » se sont finalement accordés sur un « Projet de décision » [7]. Ce document propose, dans son point 16, d’établir « un mécanisme multilatéral de partage des avantages découlant de l’utilisation de l’information de séquençage numérique sur les ressources génétiques, y compris un fonds mondial ». Ce qui reflète en fait la position initiale de l’UE, se veut être un compromis juxtaposant les revendications « Nord » et « Sud », à l’instar du « considérant 9 » : « […] une solution pour un partage juste et équitable des avantages liés à l’information de séquençage numérique sur les ressources génétiques devrait notamment :
[…]
d) Garantir aux fournisseurs et aux utilisateurs d’informations de séquençage numérique sur les ressources génétiques une sécurité et une transparence juridique ;
e) Ne pas entraver la recherche et l’innovation ;
f) Être compatible avec le libre accès aux données ;
g) Ne pas être contraire aux obligations juridiques internationales ;
h) Se renforcer mutuellement avec d’autres instruments relatifs à l’accès et au partage des avantages ;
i) Tenir compte des droits des peuples autochtones et des communautés locales, notamment en ce qui concerne les connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques qu’ils détiennent ; […] »
Cet accord trouvé à la COP 15 ne fait que poser les grands principes. La mise en œuvre de ces dispositions peut encore réserver des surprises, des frottements, et rallonger les délais. La question des DSI reste en tous cas un sujet délicat qui doit tenir en vigilance les pays du « Sud » en quête d‘équité et de sécurité juridique pour leur biodiversité.
[1] Convention sur la Diversité Biologique https://www.cbd.int/convention/text/ (consulté le 16/12/2022).
[2] 195 États + l’Union européenne qui représente ses États membres.
[3] Agence Française de développement, « COP15 : qu’est-ce que le nouveau Cadre mondial pour la biodiversité ? » (consulté le 16/12/2022).
[4] Déclaration de Kunming (consulté le 16/12/2022).
[5] Le Protocole de Nagoya est un des trois piliers de la CDB sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, voir : https://www.ecologie.gouv.fr/acces-et-partage-des-avantages-decoulant-lutilisation-des-ressources-genetiques-et-des-connaissances
[6] Interview de C. Aubertin, « Blocage de la COP15 biodiversité : » L’état des discussions sur la question du séquençage génétique est navrant » », Libération, 11 décembre 2022.
[7] Convention sur la Diversité Biologique, « Information de séquençage numérique sur les ressources génétiques », 18 décembre 2022